Il y a plusieurs trucs anodins qui surprennent certains Français quand on en fait mention dans la conversation, et pour lequels je ne m’étais jamais posé de questions. Par exemple, si je dis “j’ai été à Ikea dans ma Toyota”, je fais parfois face à l’étonnement d’apprendre que, oui, il y a des magasins Ikea au Canada (et pratiquement partout ailleurs dans le monde, en fait) et que, oui aussi, on y trouve des voitures japonaises et pas que des américaines (et heureusement, vu la qualité des voitures américaines…). Mais rien n’étonne un Français plus que d’apprendre que les Canadiens produisent leur propre vin – et c’est généralement suivi par une question lourde de sous-entendus: “mais, euh, c’est bon?”.

Pourtant, un peu comme pour les crêpes au sucre, on peut penser que si vous avez des raisins, et si vous avez une cave, vous pouvez faire du vin, non? Mais il faut dire que la binouze, avec le fromage qui pue, c’est le truc français par excellence, et vu comment on est bien chauvins, on aura tendance à ignorer ou dénigrer la production étrangère. Sans compter que les lobbys des producteurs de vin sont bien efficaces… et de toutes façons acheter une bouteille australienne ou américaine quand on peut acheter une bouteille locale, ça n’a pas beaucoup d’intérêt. Bref, on ne peut pas trop blâmer le Français moyen d’ignorer l’existence de production viticole à l’exterieur de l’hexagone, mais je trouve ça rigolo quand même.

Les deux régions productrices de vin les plus connues dans ce coin d’amérique du nord sont la vallée de Napa en Californie, avec plus de 300 vignobles, et la vallée de Okanagan, à 5 heures de route environ de Vancouver, qui héberge plus de 200 vignobles. Dans les deux cas, on y trouve des vignobles de toutes tailles, allant de la petite boutique familiale à la grande entreprise, mais la vallée de Napa fait sortir un nombre de bouteilles bien supérieur, participant grandement au Etats-Unis détenant le titre de 4ème producteur de vin derrière la France, l’Italie et l’Espagne. Le Canada, lui, est bien loin dans le classement (quelque part entre la 20ème et la 30ème place selon l’année et les critères considérés). Même ici, la part de marché de vin local (principalement originaire de Colombie Britannique et d’Ontario) est légèrement minoritaire, les gens préférant acheter du vin issu de terroirs étrangers plus prestigieux.

Les variétés de vin local vont du Pinot Noir au Chardonnay en passant par le Gewürztraminer et autres variétés communes, mais les producteurs prendront bien le temps de vous expliquer les différences de goût auquelles vous pouvez vous attendre par rapport au vin français étant données les différences de météo, de terrain, de fûts, ou simplement de procédés.
Pour un Français en visite dans la région, outre goûter aux vins familiers et se plaindre qu’ils ne sont pas aussi bons que chez nous, il sera typique de goûter au “ice wine” (“vin de glace”). On peut aussi en trouver en Allemagne apparemment, mais vous avouerez que ça sonne quand même bien Canadien. Comme son nom l’indique, il s’agit de vin fait à partir de vignes ayant gelé (il est donc généralement cueuilli et mis en bouteille bien plus tard que les autres vins). Le résultat est un vin sucré généralement servi en accompagnement du dessert.

La vallée de Okanagan se trouve sur les rives du lac Okanagan, et d’une dizaine d’autres lacs plus petits. M’enfin quand je dis “petits”, c’est à l’échelle canadienne, hein. Le lac Okanagan fait par exemple 135km de long, soit le double du lac Léman.
Le lac est d’ailleurs soit-disant la demeure d’un monstre marin, Ogopogo, un serpent de mer de 15 mètres de long, probablement “vu” originellement par des indiens bourrés au whisky écossais bon marché. Désolé, j’ai pas de photos à vous montrer, j’étais non seulement sobre, mais mon appareil photo aussi.

Outre la production de vin, la vallée de Okanagan est aussi grande productrice de fruits, notamment les pêches et nectarines, et une destination estivale très prisée des Vancouvérois. La route pour s’y rendre est très jolie (on passe tour à tour à travers la campagne, le désert, les montagnes et les immenses forêts), et on y trouve moultes petits chalets et B&Bs à louer pour le week-end afin de s’adonner aux joies des sports nautiques, du golf, de la randonnée, et bien évidemment de la tournée des caves. Région touristique oblige, il faudra faire attention aux prix parfois abusifs pour une visite ou une attraction qui s’avère décevante. Et moi, pour un truc à deux balles, je veux pas payer plus que deux balles.

Après tout ça, vous allez me dire “mais alors, sérieux, il est bon leur vin?”. Eh ben ça, j’en ai franchement aucune idée parce que, voyez-vous, j’aime pas le vin (mais je vous invite à discuter des mérites et défauts du vin canadien dans les commentaires). Je trouve ça dégueulasse, ça a un goût de moisissure (ce qui est assez logique vu le procédé). Vous pouvez imaginer que ça traumatise les Américains, ça, un Français qui n’aime pas le vin. Et en plus je fume pas et j’aime pas le foot… Mais je leur réponds que je me suis fait foutre dehors, ça les rassure.
